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Les tribulations d'une moufette...
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13 avril 2008

Regard de Chine, regard de France.

           Et oui, ça y est : les médias sont passés à autre chose. On n'entendra plus parler de la Chine avant début août peut-être... Ceci est justifié, notamment parce qu'avant de parler des droits de l'homme, il faut pouvoir manger à sa faim. Et encore, même les émeutes de la faim commencent à devenir has been...

            Pour ma part, je continue à lire deci delà : tout d'abord, quelques références vraiment intéressantes comme l'article de Jérôme Leroy sur Marianne2, "Le Tibet m'agace", qui résume avec beaucoup d'ironie cette flambée bon teint d'amour pour le Tibet. Sans vraiment savoir ce qu'est le Tibet, la réalité de sa situation politique et les implications d'un Tibet libre, la situation des autres minorités et des Han eux-mêmes en Chine et ce que suppose le bouddhisme tibérain. Ce n'est pas politiquement correct et a l'avantage de réellement poser les termes du débat plutôt que de réagir avec émotion et indignation seulement. Concernant l'indignation, Elisabeth Levy signe une chronique détonnante, "Le bal des indignés. Indignation ne signifie pas souvent information" sur le site d'Arrêt sur image (pour décrypter l'actualité et prendre un peu de distance ; peut-être n'aurez-vous pas accès à l'article si vous n'êtes pas abonné : mais abonnez-vous, ça n'est pas si cher et cela vaut le coup/coût). Enfin, le site Anti-CNN : précisons tout de suite qu'il s'agit ici non de décrypter l'information pour obtenir une certaine véracité des faits, mais plutôt de dénigrer les médias occidentaux afin de défendre l'honneur chinois. Toutefois, certaines choses fort intéressantes y sont pointées, comme cette confusion permanente où l'on accuse des policiers chinois de molester des gens (ce qui arrive ailleurs, mais pas sur les photos utilisées) alors qu'il s'agit de policiers et soldats népalais ou indiens. Et oui : une erreur jette toujours à bas la confiance que l'on a dans l'ensemble du système.

            Il y a quelques jours, grande conversation avec une très bonne amie chinoise. Pékinoise actuellement aux Etats-Unis pour finir son diplôme, elle s'installera à Hongkong dans quelques mois pour travailler pour une grande banque américaine. Elle fait partie de cette génération d'étudiants plutôt chanceux : avec une mère chef d'entreprise elle-même émigrée à l'étranger, elle est originaire de la capitale, a fait d'excellentes études et a suffisamment d'argent (parents ? bourse ?) pour étudier à l'étranger pendant quelques années ; beaucoup de pugnacité aussi, de passion pour apprendre et comprendre.
                Et cette amie est désemparée par tout ce qu'elle entend actuellement sur son pays ; elle tente de défendre son pays, mais sent que ses arguments ne convainquent pas, n'ont aucune prise sur des gens qui se déclarent plus "au courant" qu'elle-même ou porteurs de valeurs nécessairement meilleures. Le choc des cultures s'approfondit, elle ne comprend plus ces deux pays qui l'ont accueillie : les Etats-Unis, la France. Si elle convient qu'une partie de son éducation a été un lavage de cerveau, elle accuse aussi les médias occidentaux de cacher des choses, d'en exagérer d'autres et de critiquer de manière extrêmement violente son pays sans fondement ; pour elle, la majorité des gens qui parlent du Tibet n'y sont pas allés, et donc leur argumentation est infondée.
            Pour moi, cette manière de considérer le débat (argument que l'on retrouve dans la bouche des ambassadeurs chinois déplorant les troubles lors du passage de la torche) est symptomatique d'une manière de penser différente de la mienne et à laquelle je suis souvent confrontée avec des interlocuteurs chinois et asiatiques : il faut voir de ses propres yeux et avoir touché pour pouvoir en parler après. Et dans les sites archéologiques et les musées, nombreux sont les touristes d'Asie à toucher les objets, les pierres, les sculptures ; à l'opposé bien souvent de notre manière de fonctionner en Occident... Je fais un constat, et n'établit aucune hiérarchie entre les deux manières de voir les choses. Sur le terrain de l'expérience, je peux ici proposer à cette amie mon propre "vécu" et "touché" d'autant qu'elle-même avoue ne pas du tout savoir ce qu'il en est réellement en Chine profonde ou au Tibet, puisqu'elle n'y est jamais allée.
            Elle me dit qu'il faut déjà prendre en compte le fait que les Chinois vivent bien mieux qu'avant, que c'est le progrès le plus important et, surtout, que seuls les citoyens chinois pourront changer les choses, vers plus de liberté et un respect des droits de l'homme. Lisant les journaux américains, français et chinois, elle est exaspérée et se retrouve dans la difficile position de l'étranger qui se découvre patriote sans vouloir l'être, défendant son pays alors que ce n'était pas son but. Difficile dans ces cas-là, pour elle comme pour moi, de ne pas tomber dans les amalgames et les concepts réducteurs ("les Occidentaux", "les Chinois"...) ; difficile aussi de faire comprendre à quel point les choses ne sont pas dirigées contre les Chinois en tant que peuple, mais contre un gouvernement. Et que, si sa fierté est atteinte, qu'elle n'oublie pas qu'avant de critiquer son gouvernement, nous critiquons encore plus violemment le nôtre (qu'en plus nous avons élu nous-mêmes !!! Enfin, pas moi, mais d'autres...). Que nos prisons française sont dans un état ahurissant et que nos prisonniers ne sont pas traités dignement, que notre justice a des ratés, que notre système éducatif va mal etc. Malgré tout, il est difficile pour mon amie chinoise de ne pas se sentir attaquée personnellement ; de comprendre qu'être critiqué ne signifie pas être inférieur ; qu'il ne s'agit pas, comme avec les traités inégaux du XIXème siècle, de dicter nos lois à la Chine.

JO


            Deux jours plus tard, cette conversation s'est poursuivie par un échange de liens et d'articles. Ayant acquiescé à nombre de remarques (justes à mon sens) de mon amie, je lui ai toutefois posé la question suivante : pourquoi le gouvernement chinois n'a pas dit (même sans le penser, juste stratégiquement), avant les émeutes tibétaines ou même après, que les droits de l'homme seraient plus respectés dans les prochains mois ? Pourquoi a-t-il condamné Hu Jia (et d'autres dissidents) à la prison à ce moment précis ? Pourquoi n'y a-t-il pas une grande action symbolique ? Libérer quelques dissidents, aider les travailleurs venus des campagnes à survivre dans les villes, etc. Je lui ai proposé deux hypothèses explicatives : 1) peut-être y en a-t-il eu des actions symboliques, mais elles ne sont pas diffusées auprès des médias occidentaux ? si oui, pourquoi ? Le gouvernement chinois sait que l'Europe et les Etats-Unis en seraient très contents ; 2) peut-être parce que le respect des droits de l'homme émane de l'Occident et que la Chine ne veut pas voir sa politique dictée par celui-là ? Evidemment, il y a une troisième hypothèse, que j'ai préféré ne pas énoncer clairement...

            Hum : pour l'instant, mon amie n'a pas répondu...

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Commentaires
C
@ Jelaipa : merci ! Ecrire me permet de clarifier mes propres idées : parfois je suis submergée d'informations, d'idées, de blagues aussi (c'est important), et je ne sais plus vraiment ce que je pense. Un jour peut-être oserai-je...
J
Si tu ne veux plus faire prof,fais journaliste : je comprends et tu poses de bonnes questions.....
Les tribulations d'une moufette...
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