De quelques musées... Shanghai (Part Six).
Quand je voyage, je ne fais pas que marcher. Je visite aussi des
musées.
...
Donc je marche, d'accord.
Je vous avais déjà parlé
du musée des Beaux-Arts, étonnant par sa muséographie et ses sujets.
Maintenant, à tout seigneur tout honneur : le musée de Shanghai. L'extérieur
est pour le moins étonnant car trône en plein milieu de la place du Peuple un
énorme chaudron couleur sable, image d'un tripode Shang (une pièce de bronze
dont j'aurai l'occasion de vous parler plus avant...). L'architecte s'en est
donc donné à coeur joie, histoire de bien montrer qu'il s'agit d'un musée dédié
à l'histoire chinoise à travers ses arts et artisanats. C'est pour le moins
original... Toujours est-il que, chose rare en Chine, la mise en scène des
pièces exposées est tout à fait agréable et intelligente : progression
chronologique, peu de pièces à chaque fois, pas de redondance, des explications
générales simples et lisibles, des explications plus précises de temps à autre.
Les différentes sections sont regroupées selon les catégories
artistiques des beaux-arts chinois : peintures, rouleaux de calligraphie,
céramiques, statues. Ce qui est très pratique, puisque l'on peut donc se
concentrer réellement sur un thème et en voir les évolutions d'une seule
traite. En fonction de mes préférences, j'ai donc laissé peintures et
calligraphie (j'y suis encore imperméable) pour me concentrer d'abord
sur la superbe collection des bronzes depuis l'Antiquité, notamment la période
des Shang et des Zhou, où l'art du bronze atteint sans aucun doute sa plus
parfaite expression : couleur profonde, modelé parfait, forme générale bien
équilibrée et dessins d'une extrême finesse. Je suis fan. J'adore. Mon
anniversaire est le 29 février et comme il n'y en a pas avant quatre ans, si
vous pouvez faire un geste dès l'année prochaine...
La partie
Céramiques est également un régal, présentant les exemplaires les plus fins
depuis le néolithique avec peut-être (comme souvent) un peu trop de porcelaines
Song et Ming. Et pas assez des Qing, parce que les Qing c'est génial : il y a
du rose, du vert pomme, des imitations de gros noeuds, c'est osé, c'est fou.
J'adore. Enfin, une section étonnante : le dernier étage est consacré aux
artisanats et costumes des minorités nationales. Ici, le bât blesse : quelques
vitrines avec bijoux, textiles, objets de différentes ethnies, mais soyons
honnêtes, les 54 minorités non-Han ne sont pas toutes représentées. En fait, ce
sont surtout les Ouïgours (minorité nationale musulmane turcophone du
nord-ouest, dans le magnifique Xinjiang) ou les Tibétains qui sont
surreprésentés, mais aussi les Miao (du Yunnan), par exemple ; c'est-à-dire
soit les minorités les plus représentées soit les moins représentées. Et toutes
les minorités dans l'intervalle, pas assez lourdes démographiquement ou pas
assez "en voie de disparition" sont oubliées... C'est très dommage,
évidemment, d'autant qu'il y en a de pures merveilles artisanales qui sont donc
occultées. La section se finit en revanche sur une succession de masques de
trois théâtres différents, qui sont magnifiques. Pour la route, j'en profite
pour vous présenter les marionnettes de cuir que j'ai achetées :
Autre musée, autres découvertes : le musée d'Art contemporain de Shanghai. La structure générale est en verre et procure aux oeuvres un peu de la lumière qui filtre des nuages d'humidité et de pollution qui surplombent la ville. Les oeuvres se regroupent ici autour d'un thème : le regard sur Shanghai, sa vie quotidienne et ses habitants, porté par des artistes locaux. Montages vidéos, peintures, sculptures et photos : les oeuvres sont peu nombreuses mais assz intéressantes ; même si l'innovation n'est pas terrifiante... Jusqu'au restaurant, situé sur le toit : là, des dessous de verre sur les tables absolument étonnant, que j'ai adorés. Je veux les mêmes pour mon salon (pour une historienne, c'est génial) !!!
Dernier musée, petit par la taille, grand par le sujet et par l'importance d'une telle démarche dans ce pays : le musée des Affiches de Propagande. Il s'agit ici d'un musée privé, fondé par la personne même surveillant entrées et sorties des visiteurs. Le musée est introuvable : dans l'ancienne Concession française, au fin fond d'un lotissement de hauts bâtiments, derrière ces buildings, au sous-sol. C'est dire s'il est mal-aimé... Relégué loin des circuits et des yeux des Chinois, ces affiches montrent l'évolution artistique, thématique et idéologique de la propagande de l'ère maoïste, à travers ces dazibao.
Montrer que la RPC est solidaire des pays en voie de décolonisation dans leur lutte contre l'impérialisme occidental. Le rôle de la science et de la recherche pour faire avancer le peuple et le pays.Les joies de la Révolution culturelle...
Un seul mot : sublime. La seule pièce du musée proposent plusieurs panneaux explicatifs présentant les caractéristiques de chaque période selon les tendances du maoïsme et les éléments
internationaux (rapports avec les Etats-Unis, Cuba, l'URSS...) ; les affiches sont des originaux, et les titres chinois des affiches sont traduits à côté : vous pouvez donc interpréter vous-mêmes
ce que vous voyez. Un véritable bonheur, je n'avais qu'un envie c'était de
subventionner autant que faire se peut ce petit musée d'utilité publique et
même d'utilité vitale pour ce pays. Malheureusement, les affiches vendues dans
la minuscule pièce servant de magasin au musée sont extrêmement chères, car ce sont des originaux également. J'ai donc du me contenter d'acheter deux
catalogues, beuheuheuheuheu !!! Rien n'est expliqué en chinois dans ce musée : je me doutais bien qu'aucun Shanghaïens, touriste chinois ou aucune classe de collège ou de lycée ne vient ici. Et un petit entretien avec le fondateur l'a confirmé : seuls les Occidentaux semblent s'intéresser aux affiches de propagande comme source de compréhension du lavage de cerveau par l'Etat...
Conclusion : chose rare en Chine, les musées de Shanghai valent vraiment le coup
!!!