"Mariage Frères", mariage aux Invalides : c'est donc le mot "mariage" qui me donne des pustules...
Il nous reste deux ou trois mois pour profiter au maximum de Paris, et pour ce faire, rien de mieux qu'un été indien (comme les trois dernières années, nous allons sans doute voir succéder à un été frais et pluvieux un automne chaud et ensoleillé...). Il faisait donc un temps magnifique, idéal pour arpenter et photographier les rues de la capitale : chose que je n'ai jamais faite depuis dix ans que je suis devenue Parisienne.
L'urgence de prendre quelques clichés me saisit, pas par nostalgie mais par pur utilitarisme : faire rêver nos futurs amis indiens ("oui, tu vois, là, c'est Montmartre...", "oui, près ce magnifique cimetière, c'est là où je vivais...") ; quoique j'ai nettement l'impression qu'à la différence des Chinois et des Extrêmes-Orientaux en général, les Indiens n'en aient absolument rien à faire du pseudo romanticisme parisien à la noix. Oui, à la noix j'ai bien dit : car franchement, Montmartre, qu'est-ce que c'est ennuyeux ! Je suis plutôt une fille des quartiers populaires, comme l'indique ce qui va suivre...
Ce fut d'abord un petit passage dans une librairie de la rue Pavée, "Mona lisait", connue pour son pêle-mêle de livres d'occasion tous plus inutiles et superficiels les uns que les autres mais de ce fait irrésistibles : Architecture berlinoise du XVIIIème siècle, Reconnaître les feuilles des arbres du Brabant, La musique transitive dans un mode opératoire cadencé... J'invente, mais on n'est pas loin. Nous repartîmes donc chargés, car un des enjeux du déménagement est de prévoir de quoi lire pour les potentiels moments d'ennui à Bombay : nous ne sommes pas d'une nature propice à l'ennui, la bibliothèque est déjà fournie, mais quelques livres de plus n'ont jamais fait de mal à personne...
Ce fut ensuite un thé vert birman Ko Kant pour moi et un thé noir indonésien Poolon pour Tac, accompagné d'un millefeuille au macha (thé japonais à la saveur âpre) chez "Mariage Frères". Cela se confirme : je n'apprécie guère la morgue du personnel, le lieu guindé et l'invasion touristique ; non plus que le poumon ET la rate qu'il te faut revendre sur le marché noir des organes pour pouvoir payer l'addition : 27 euros. Il ne faut pas exagérer : certes, le thé est servi en quantité industrielle (mais cela reste de l'eau chaude avec des feuilles dedans...) mais le millefeuille était passable, quelle idée de rajouter de la confiture de fraises à du thé japonais !!! "Ladurée" m'a bien plus séduite et convaincue gustativement. Enfin, il fallait bien y être allée un jour, et cela a été l'occasion de retrouver nos amis colombano-chiliens qui se sont rencontrés en Corée s'exilant à Washington avec leur rejeton né en France. C'est tellement international, tout ça...
Ce fut enfin une soirée de mariage : il y a des mariages où tu es invité à la cérémonie civile, puis à la cérémonie religieuse, puis au vin d'honneur, puis au dîner, puis à la soirée. Et là, tu maudis les mariages (moi, en tout cas : cette débauche de bons sentiments et de niaiseries est insupportable). Mais il y en a d'autres où, parce que les mariés (qui prennent souvent comme prétexte les prétendus desiderata de la famille) décident qu'il faut absolument faire cela dans des règles somptuaires qu'ils s'imposent à eux-mêmes, se ruinent et ne peuvent donc inviter qu'une portion congrue aux festivités ; sauf à la soirée qui, elle, ne coûte pas grand-chose. Seule la famille (oui, mais familles cathos de l'Ouest parisien implique grandes familles, très grandes familles...) était donc du cocktail et du dîner aux Invalides, les amis arrivant pour la soirée.
Je ne hais pas le concept de mariage, j'y suis absolument indifférente et le trouve simplement inutile ; le tralala vestimentaire me donne envie de rire mais surtout de m'apitoyer ; les présentation PowerPoint, chansons et discours m'horripilent au point qu'il est de plus en plus difficile de me retenir de jeter quelques piécettes aux participants... Le seul intérêt que j'y vois donc est de découvrir parfois des lieux magnifiques : une superbe chapelle bretonne du Moyen Age près de Quintin (Côtes d'Armor) aux murs ornés d'une danse macabre du XIIIème siècle à couper le souffle. L'église Saint-Gildas de Rhuys et le château du Plessis Josso (Morbihan). Ou encore la synagogue de Cadet et le Pavillon Dauphine, souvenez-vous.
Hier soir, j'ai découvert les Invalides de nuit et pour nous seuls (les autres invités étaient évidemment tout à la soirée, eux...). Sublime. J'ai donc passé une demi-heure à me pomponner, robe splendide, maquillage, sac trop classe, escarpins et vernis à ongles bleu (ben oui, je reste moi-même...) pour aller déambuler nocturnement dans ce lieu magique, où Vauban et Napoléon se côtoient : la grande cour calme, les arcades mystérieuses, le dôme doré s'élançant vers une nuit d'encre. La soirée ? Mais qu'est-ce que qu'on en a à faire !?!
"Mariage Frères" ? "Mariage aux Invalides" ? Mais bien sûr que je suis une fille des quartiers populaires...