Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les tribulations d'une moufette...
Les tribulations d'une moufette...
Derniers commentaires
Archives
19 septembre 2008

"Baudolino", Umberto Eco : une plongée dans l'imaginaire médiéval.

Baudolino_Umberto_Eco               Baudolino fait partie des romans pour lesquels j'ai du m'y reprendre à deux fois : un début un peu déroutant, mêlant la chronique monastique et l'oralité populaire. Et l'on ne sait si c'est  mensonge, souvenir ou réalité que ce récit du héros éponyme, paysan de l'Italie septentrionale devenu protégé de Frédéric Barberousse, Baudolino. Peut-être aurais-je du lire deux pages de plus cette première fois, pour être projetée sans retour ou arrêt possibles dans cette aventure médiévale comme les affectionne l'auteur...

             Ce roman d'Umberto Eco est à part : une érudition moins flamboyante et plus discrète, un déroulement moins contourné, le récit y suit le fil des souvenirs du personnage central qui les narre à un officier de la Cour byzantine. Le lecteur découvre alors sa Fraschetta natale, entrevoit les circonvolutions complexes de l'histoire des cités padanes, des rivalités et des luttes intestines et surtout comprend ce qu'est le quotidien du grand conflit opposant le Sacerdoce à l'Empire, la tiare à la couronne... Ce récit est en réalité un millefeuille (j'ai la métaphore pâtissière aujourd'hui) car on entrevoit aussi, de loin en loin, les toits de Constantinople incendiée par les Croisés en 1204. Splendeurs et ors, décadence et chute : aux aspérités de l'Italie médiévale se superposent les douceurs byzantines, même si ces douceurs cachent des pratiques politiques tout à fait sanglantes.

                Les pérégrinations de Baudolino l'amènent aux portes de l'Orient : assauts, pillages jusqu'à... jusqu'à partir en voyage. Car sa quête doit le conduire à découvrir, enfin, le royaume du Prêtre Jean. Et pour la lectrice médiéviste que je suis, cCarte_moyen_age'est le début du régal littéraire et stylistique : où comment Eco parvient, à travers le souvenir de ce paysan devenu soldat et lettré, à nous entraîner dans l'imaginaire du voyage médiéval. Les motivations sont bien sûr religieuses car il s'agit de retrouver ce royaume chrétien des temps anciens, dont l'aide permettrait aux chrétiens d'Occident de prendre en tenaille les Arabes. Historiquement, ce rêve éveillé, soutenu par nombre de monarques, de papes et de moines, explique les expéditions et missions lancées par les rois chrétiens depuis le XIIIème : trouver le Prêtre Jean, pour des raisons stratégiques et pécuniaires ; en réalité, cela conduira aux grandes découvertes, à Colomb, Magellan...

             A la suite de Baudolino nous parcourons le monde connu, déserts de Syrie et plaines mésopotamiennes, puis imaginé, la véritable géographie de l'homme médiéval, la terre peuplée de démons et écrin de mystères. On retrouve ici toutes les caractéristiques des relations de voyage médiévales, dont la plus célèbre est encore celle de Marco Polo, son Livre des Merveilles ou Devisement du Monde. Etres merveilleux, fantastiques au sens premier du terme, à une jambe ou à cinq, roulant sur eux-mêmes ou crachant des volutes de souffre... La prouesse d'Umberto Eco, tout comme celle de Baudolino par son récit, est finalement de parvenir à un effet de réel magistral : à aucun moment le lecteur ne sent la transition du monde réel au monde merveilleux et inouï, car cet univers lui est familier. Illustrations médiévales, miniatures et enluminures ont déjà ancré en nous ces représentations. A savourer sans entrave donc !

Note : je fais un saut de genre, mais pas un saut conceptuel du tout. On est tout près avec Baudolino du mélange savamment réussi entre réel historique médiéval et univers merveilleux que parvient à peindre et à dépeindre François Bourgeon dans sa sublime suite des Compagnons du Crépuscule, oeuvre dessinée dont je me régale régulièrement et à laquelle je n'ai encore trouvé d'équivalent. A lire, à relire et à relire encore.

Les_Compagnons_du_cr_puscule

Publicité
Commentaires
C
@ Pimousse : génial, à moi les glaaaaaaaaaaaaaaaces !!! Merci beaucoup pour les recettes !
C
@ George Sand et moi : tu me diras ce que tu en as pensé !!!
C
@ Ckankonvaou : il faut que je le relise, je crois que j'avais eu du mal aussi pour celui-là (il semblerait que je doive toujours m'y reprendre à deux fois avec cet auteur, sauf pour ses essais !). Nager vers l'auparavant : c'est chouette !
C
@ Manu : pour le "Pendule de Foucault", je m'y suis aussi reprise à deux fois et j'ai adoré finalement ! Passées les cinquante premières pages, c'est génial dans le genre "complots maçonnico-kabbalistique", et ce qui est fou, c'est qu'il donne en un paragraphe la trame complète du "Da Vinci Code" une bonne dizaine d'années avant, héhéhé...
C
@ George Sang et moi : c'est vrai que c'est un régal le plus souvent ! J'en avais parlé dans un billet précédent, certains de ses livres sont plus ardus mais je crois qu'il faut les reprendre quelques années après. Quant au "Nom de la Rose", c'est un chef-d'oeuvre...
Les tribulations d'une moufette...
Publicité
Publicité