C'est parsi mon kiki ! ... ahem... (Note sur la communauté parsie de Bombay)
Venus d'Iran en Inde au VIIIème ou au Xème siècle, les Parsis sont une des nombreuses communautés de Bombay. Ils se distinguent avant tout et seulement par leur religion, le parsisme ou zoroastrisme (une évolution du zoroastrisme iranien originel). Pour faire court, le monde qu'ils conçoivent est divisé entre le Bien et le Mal, créés par un Dieu unique Ahura Mazda, et ce qui importe c'est le choix que fait chacun entre ces deux principes. Le feu tenait au préalable une place particuilère, d'essence divine mais rendu possible par l'homme, d'où le nom des lieux de culte parsis, les "temples du feu". Un ami avait d'ailleurs rencontré le Grand Prêtre des Zoroastriens de Paris un jour, qui lui avait rétorqué que le feu était vénéré parce qu'il est le feu. Et ça, c'est cool car c'est franco au moins, pas de tralala. Les préceptes de cette religion, zoroastrisme ou mazdéisme, auraient été édictés par Zoroastre / Zarathoustra (celui qui parlait, héhéhé...) que les anciens Parsis appelaient Zardhust... Hein que ça a un petit côté Ziggy Stardust ?!?
Aujourd'hui, il reste quelques 180 000 Parsis dans le monde, dont 50 000 à Bombay qu'ils ont contribué à fonder et à façonner. C'est en tout cas aujourd'hui une communauté qui s'étiole malgré les quelques grands empires parsis qui font encore bouger le monde de l'industrie et du commerce (les familles Tata et Godrej, par exemple) car un gros débat sur l'ouverture divise les Parsis : comment doit se transmettre la parsi-itude ? Est-elle le fait d'une transmission matrilinéaire, ou les deux parents doivent-ils être parsis pour que l'enfant soit considéré tel ? Et, peut-on se convertir au parsisme ? En 2003, la position orthodoxe a prévalu, dans le but évident de limiter au maximum
l'hexogamie. Mais comme dans toute communauté réduite, une vision élitiste et étroite conduit cette communauté à se réduire de plus en plus, et à vieillir. A continuer une telle politique restrictive, les Parsis d'Inde pourraient disparaître dans les prochaines décennies.
Au détour des rues et des immeubles, on reconnaît le temple parsi parce que... le plus souvent c'est écrit sur la façade... Mais aussi parce que les sculptures et les colonnes du temple rappellent sans conteste les éléments d'architecture de la Perse antique (retournez jeter un coup d'oeil à Korsabad). Les femmes parsie ont indianisé leur costume, et les plus traditionnelles portent donc le sari drapé sur l'épaule droite (et non gauche comme le font les Hindoues) ; les hommes quant à eux peuvent porter une calotte blanche ou de couleur, plus haute et rigide que la calotte musulmane. Si vous désirez en savoir plus sur les coutumes parsies et
le fonctionnement de cette communauté, allez vous régaler des romans de
Rohinton Mistry qui dépeint Bombay à travers des familles de cette communauté si étroitement liée
au destin de la ville ; mais rien qu'en faisant attention en vous promenant, vous verrez de nombreux éléments parsis autour de vous comme la "Parsi Dairy Farm" sur Princess Road ou bien à Fort, dans le coeur financier de la ville :
Le petit plus de la communauté parsie réside dans sa gestion des cadavres... Les corps morts ne devant toucher ni la terre ni le feu, ils ne peuvent donc subir la crémation ; ils sont donc exposés en haut des Tours du Silence (je vous en avais déjà parlé, elles se situent à Malabar Hill) où les vautours les déchiquètent. Mais les vautours sont en voie de disparition à Bombay ce qui pose un cas de conscience vraiment très important aux Parsis : que faire des cadavres désormais ?
Quant à moi, n'écoutant que mon ventre, je suis allée dans un des plus anciens restaurants parsis de la ville (il doit avoir une dizaine d'années donc...), le "Jimmy Boy Café". Hein que ça fait parsi comme pas possible ?!? Non, je sais. En tout cas, n'y allons pas par quatre chemins : nous avons cassé la baraque aujourd'hui en prenant LE menu des spécialités parsies... à 6€. Pour patienter avant le début des réjouissances, rien de tel que quelques chips de sago (graines de tapioca) à tremper dans une sauce rouge douce et pimentée. Et en entrée, deux plats traditionnels : un poisson en sauce blanche sucrée et épicée (saas ni machhi), très bon même si j'ai préféré le plat de Tac, un délicieux poisson cuit à la vapeur dans une feuille de bananier et recouvert d'une pâte verte à base de noix de coco m'a-t-il semblé (patra ni machhi). Puis du poulet, mariné et frit pour moi, en sauce un peu sucrée aux oignons pour Tac (sali murghi), le tout accompagné de roti parsie, petites galettes fines et moelleuses. Un bon pulao (riz mélangé) de mouton ensuite, recouvert de dal, sauce aux lentilles, et je ne vous raconte même pas comme nous étions repus après tout ça. On a fini par un kulfi tout simple (glace indienne au lait ) et un délicieux flan au lait de coco, pistaches et cardamome. Désolée, les photos des plats n'ont rien rendu ; en revanche, on mange sur des feuilles de bananier (posées sur des assiettes ; plus au sud du pays, il y a juste la feuille) et on se lave les mains après les plats principaux avant de se jeter sur le dessert...
Le clou du spectacle était évidemment la boisson : tandis que j'optais fort peu courageusement pour un café au lait froid absolument délicieux, Tac tentait la spécialité de la maison, à savoir un soda à la framboise au goût bien chimique. Et pour être bien sûr que c'est vraiment chimique, voici le message imprimé sur la bouteille :