"Le Ventre de Paris" d'Emile Zola : une si contemporaine opulence...
Etonnant de se replonger à des milliers de kilomètres de là dans les
Halles naissantes de Paris. Il y a encore quelques tomes des
Rougon-Macquart que je n'ai pas lus, et bizarrement Le Ventre de Paris en faisait partie...
A travers le retour clandestin de Florent Quenu,
beau-frère de Lisa Macquart, le lecteur plonge dans cette antre
métallique de la nourriture, qui alimente Paris et le tout-Paris,
peinture haute en couleur pleine des détails nécessaires à cette
découverte réaliste d'un monde grouillant d'appétits, d'odeurs, de couleurs et de hoquets. Fromages, légumes, poissons,
beurres, étals de charcuteries et de fruits, l'opulence dégouline des
présentoirs, des bouches aussi pour rouler aux pieds de ceux qui n'ont
rien. La fête impériale bat son plein, c'est la lutte traditionnelle
des Gras contre les Maigres qui s'étale, de Carême et de Carnaval, de
l'enbompoint "honnête" et
bourgeois contre la maigreur maladive, rongée d'un feu de
l'intérieur.
Situé en amont dans la série des Rougon-Macquart, la fêlure originelle d'Adélaïde Fouque (La
Fortune des Rougon)
en est encore dans Le Ventre de Paris à ses prémisses et ne se donne à
voir que discrètement : le besoin quasi maladif de confort bourgeois et
de propreté nette, magnifié en la petite Pauline Quenu et dans la charcuterie de ses parents.
Comme toujours avec les auteurs du XIXème siècle me
semble-t-il, c'est en gagnant soi-même en maturité que l'on perçoit la
profondeur de leur propos. L'évidente actualité de Zola, la capacité de
ses analyses à traverser le temps pour trouver encore plus de
pertinence dans le monde contemporain est étonnante ; l'opulence qui
étouffe les faibles, la surconsommation et le gâchis, la nécessité de
faire taire les Maigres car s'ils ternissent la fête, leurs plaintes
rappellent de plus à quel point les inégalités sont fondées sur des
hasards... Et je t'assure que cette acuité du regard zolien se ressent
d'autant plus quand tu vois chaque jour l'opulence indienne tonitruante
qui prend pied sur la misère du plus grand nombre. Il y a vraiment
de quoi réécrire les Rougon-Macquart, ici...
On voit aussi les commentaires, les essais et les
analyses de l'oeuvre d'Emile Zola d'un autre oeil. Et je me souviens de mon professeur
de khâgne nous disant qu'il s'agissait de romans de gare... Certes, le
style est parfois redondant, alourdi par la volonté de trop préciser,
tare du naturalisme, mais quelle capacité à créer le besoin chez le
lecteur de continuer plus avant, quelle capacité d'évocation surtout !
Que tu ressens d'autant mieux quand tu n'as pas à portée de main des
livarots, des pâtés de foie ou des corbeilles de guimauve...
Sur mon blog en Rickshaw, je te parle du film Outsourced, d'une nouvelle espèce (le poisson-rickshaw...) et même de biquettes !