Cadavre exquis : la nouvelle de l'été !
Le projet : partie d'une idée et du blog d'Aude Nectar, la nouvelle de l'été a fait son petit bout de chemin depuis ! Après moult déplacements dans la blogosphère, elle a atterri ici même la semaine dernière et j'ai donc apporté ma petite contribution à cette oeuvre bloguesque collective... Attention, soyez attentifs car la fin approche !
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L'été arrive, et avec elle
l'envie d'organiser une chaîne littéraire sans prise de tête, de
créer ensemble une nouvelle légère, drôle, délirante ou macabre, je ne peux
rien promettre car je n'en serai maître que d'une infime partie. Je lance
aujourd'hui le début en deux ou trois phrases, et je ne demande pas plus en
terme de participation. Simplement en quelques mots de laisser libre court à
votre imagination, tout en étant attentif à ce que l'ensemble reste cohérent.
Chaque blogueur sollicité écrit la suite de l'histoire et passe la main à un
autre de son choix. En le prévenant aussi par mail pour qu'il prenne
rapidement le relais. Ou soit remplacé s'il ne souhaite pas participer.
N'hésitez pas à faire rentrer des gars dans la chaîne, que ça ne reste pas qu'une
fiction de nanas, et des blogs de genres différents. Je suis curieuse de lire
ce que ça peut donner et qui participera. De temps en temps je vous informerai
de l'avancement de la nouvelle, et de l'endroit où elle se trouve.
Et surtout, je vous
remercie d'avance pour votre possible participation et le piment que vous
apporterez à nos vacances !
Le pitch: Une amitié féminine, des trahisons, de la manipulation: La vie quoi ! La mafia russe, une nouvelle Mme Claude, des escorts girl, les renseignements généreux, un Président interventionniste: La fiction quoi!
Rendez-vous au
tas de sable: je suis à la fin, au fond prés du radiateur.
Adossée contre un arbre, dans le square où elle s'est réfugiée, Suzanne rumine sa rancune. Même le soleil qui veut lui faire croire que tout va bien l'exaspère. Avec hargne, elle explose sa boîte de tic-tac sur le sol, et les points oranges et verts s'éparpillent dans mille directions.
Aude
En retard, sa
meilleure amie est en retard. Comme toujours. Sa meilleure amie ? Suzanne commence
à se poser la question. Pendant des années, Céline, la belle Céline l’a
fascinée. Elle était son modèle, quasiment son icône. Suzanne essayait
maladroitement de l’imiter en tout et en moins bien. Forcément. Céline était
inimitable, elle le savait, et elle en profitait.
A l’image des
deux fourmis qui s’affrontent sous ses yeux pour un tic-tac, Suzanne est
consciente que l’une d’elles doit l’emporter. Et il se pourrait bien que, cette
fois, ce soit elle la gagnante. Écrasant de l’index la fourmi la plus grande,
elle se détend en imaginant le visage de Céline lorsqu’elle lui apprendra
qu’Arnaud la quitte. Pour elle.
Oui. Toutes ses
pensées sont encore tournées vers la nuit dernière, moment magique où il la
couvrait de ses baisers tendres, parcourant tout son corps, parcelle par
parcelle, de sa langue langoureuse lui glissant dans le cou, de sa bouche
charnue, lui mordillant les lèvres. Jamais auparavant, elle n’avait ressenti
une telle sensation avec un homme, elle ne contrôlait plus son corps avec lui,
elle lui appartenait. En repensant à ces moments sensuels et charnels, elle
ressent un large frisson en ricochet sur l’intégralité de la surface de sa
peau. Chaque minute passée à ses côté lui paraissent tellement courtes, mais
l’heure n’était pas à celles des souvenirs, ni des bons moments, elle allait
rentrer dans une ère de chamboulements. Son dernier tic tac rescapé fut
brusquement explosé par sa mâchoire.
Le goût sucré de
son dernier tic tac lui rappela sa folle nuit d’amour. Un frisson de plaisir
parcourut son échine. Une douce torpeur l’envahit. Ses pensées furent
brusquement interrompues par l’incessante vibration qu’elle sentait à
l’intérieur de son jean. Son portable. Un nouveau message venait d’arriver. En
voyant le nom qui apparut, son coeur se mit à battre la chamade. Jonathan,
l’homme avec lequel elle vivait. A lui aussi elle devrait briser le coeur ce
soir. Puis, en pensant à comment annoncer la nouvelle à celui qui venait, le
matin même, de lui livrer la plus belle gerbe de roses thé, un autre message
arriva. Arnaud. Elle appuya sur la touche Lire, puis ces mots apparurent :
annule tout, je te quitte.
Deux ruptures
dans une seule journée. Quitter et être quittée. Elle ressentait de la
culpabilité à l’égard de Jonathan et du chagrin à cause d’Arnaud. Mais elle
éprouvait également un vrai sentiment de libération. Elle pourrait désormais
arrêter de jongler avec les emplois du temps et les mensonges. Elle pourrait
exister autrement que dans le désir des autres. La liberté se paye souvent du
prix de la solitude : elle le savait et était prête à payer. Cash. Elle
envisageait avec volupté des journées d’insouciance et d’égoïsme, des nuits
passées à apprécier le silence et à s’étendre en travers du lit. Se recentrer
sur soi et ne plus se partager. Pour être, plus tard, de nouveau disponible.
Pour qui ? Pour quoi ? Il était délicieux de laisser ces questions en suspens…
Soudain, elle
aperçut la silhouette de Céline, dont le retard dépassait maintenant les vingt
minutes. Je l’avais presque oubliée, pensa Suzanne. Qu’est-ce-que je lui dis
maintenant? Que j’ai passé la nuit la plus merveilleuse avec son mec, mais que
c’était purement sexuel donc no problem? Ou bien que son mec est vraiment pas
un bon coup et que je le lui laisse, plus vache ça! Ou bien la gentille Suzanne
va encore fermer sa gueule devant sa supposée meilleure amie, bougonna Suzanne,
intérieurement, car Céline était déjà là devant elle : « Salut ma belle! » dit
joyeusement Céline…
-”lut”, répondit
Suzanne qui ne cachait pas son mécontentement. Pourtant, Céline n’y prit même
pas attention, elle avait l’air ailleurs. Elle arborait un sourire béat et ses
yeux pétillaient de mille feux. Elle vint à la rencontre de Suzanne et ne
s’excusa pas de son retard. Il est vrai qu’avec elle, c’était une habitude de
ne pas arriver en temps et en heure, séduisante comme elle l’est, personne ne
lui en tenait rigueur, il lui suffisait d’un regard pour effacer toute rancune.
-”Ben t’en fais une tête”, lança Céline. Silence… -”Allez, viens, allons nous
promener”, dit-elle, tout en faisant demi-tour sur ses talons. Par mégarde, en
se retournant, Céline fit tomber une lettre de sa poche. Suzanne qui lui
emboîtait le pas s’abaissa pour la ramasser, et, en un coup d’oeil, elle vit
l’adresse de l’expéditeur : Jonathan. SON Jonathan.
Son sang ne fit
qu’un tour. Elle tira le papier hors de l’enveloppe et lu son contenu. Une
simple phrase, quelques mots griffonnés à la hâte: “Il faut que Suzanne sache
la vérité avant qu’il ne soit trop tard”. Tout se mit à tourner autour de
Suzanne, ses oreilles se mirent à bourdonner, des points noirs dansaient devant
ses yeux et mille scénarios défilaient dans sa tête. Elle couru alors derrière
Céline, l’attrapa pas le bras et l’obligea violemment à se retourner. Elle
brandit la lettre sous ses yeux et lui hurla : -” Tu peux m’expliquer? TU PEUX
M’EXPLIQUER?” Le sourire de Céline s’effaça immédiatement, elle pâlit et se mit
à balbutier. -”C’est… c’est pas facile à… à te dire… Ne m’en veux pas… Je n’ai
pas eu le choix… Je devais le faire… Je devais…” Et elle se mit à sangloter
comme un enfant. Suzanne n’avait jamais vu Céline dans cet état. Perdue, elle
hésita sur la conduite à adopter. Consoler son amie ou la pousser à livrer ce
secret qui semblait si terrible.<
Elle se sentait
tiraillée entre la détresse de son amie, et ses interrogations devant ces mots
“Il faut que Suzanne sache la vérité avant qu’il ne soit trop tard”. Elle ne
voyait pas ce qu’ils pouvaient signifier, elle ne comprenait pas. Céline
était-elle déjà au courant de leur petite aventure, à Arnaud et elle? Etait-ce
un jeu entre eux? Ou alors l’état de Céline n’avait rien à voir avec la nuit
qu’elle, Suzanne, avait passée à la trahir, et y avait-il alors un problème
bien plus grave? Suzanne prit le parti de consoler son amie, en se disant
qu’elle ne parviendrait à en apprendre plus sur cette lettre que d’une Céline
calmée. “Ce n’est sûrement pas si grave, tu sais… Tu peux m’expliquer, je ne te
jugerai pas”, lui dit-elle. Elle n’était pas sûre de ses paroles. Elle ne
savait pas où elle mettait les pieds. En même temps, elle avait elle-même été
une amie plutôt imparfaite, dans la situation, donc elle n’était pas dans la
meilleure position pour porter un jugement. Cependant, les larmes de Céline ne
se calmaient pas, elle était secouée de sanglots, ne parvenait plus à parler.
Suzanne était de plus en plus intriguée. Elle, qui, quelques instants plus tôt
se réjouissait de sa liberté retrouvée, se sentait comme prise au piège, et
elle ne savait même pas expliquer pourquoi. Comme elle ne pouvait rien tirer de
Céline, elle s’éloigna un instant. Elle avait besoin d’une explication. Elle
sortit son téléphone, et appela Jonathan. Il décrocha quasi instantanément.
« ah… j’allais
t’appeler … » lui dit-il d’une voix sombre « on peut se voir ce soir? J’ai un
truc à te dire… ». « Dis-le moi maintenant, j’ai prévu de voir Agathe ce soir,
j’ai eu un mail d’elle tout à l’heure» répondit sèchement Suzanne. « A vrai
dire … Agathe et moi voulions te voir … » « ça veut dire quoi Agathe et moi ? »
demandait Suzanne, avec moins d’assurance. « Nous voulions te voir pour
t’annoncer que nous allons nous marier … nous n’avons pas voulu le faire par
téléphone, mais là je pense que je n’avais pas le choix … je voulais aussi te
…» Suzanne avait déjà raccroché, mais son téléphone était resté collé à son
oreille, puis glissé dans son sac, en même temps qu’une larme. Elle était
incapable de réfléchir, elle sentait un vide autour d’elle. La main de Céline
posée sur son épaule vint la tirer de ce vide, du coup, elle se sentait moins
seule, presque rassurée à l’idée que Céline aurait encore plus mal qu’elle à
l’annonce de cette nouvelle qu’elle ne voulait pas garder pour elle. « Jonathan
vient de m’annoncer qu’il va se marier avec Agathe ». « Oui je sais » répondit
Céline en caressant les cheveux de Suzanne, comme pour la consoler. Comme
électrocutée par la main de Céline, Suzanne fit un bon en arrière. Elle ne
comprenait plus rien, elle avait l’impression que tout basculait. « Oui je sais
… je sais » lui assénait encore une fois Céline, « Mais alors la lettre, la
lettre de Jonathan, qu’est ce que ça veut dire ? », « Nous avons juste eu une
aventure, et on ne voulait pas garder ça par respect pour notre amitié,
maintenant qu’il se marie avec Agathe et qu’Arnaud m’a demandé en mariage ce
matin même ».
- Mais quelle
bande de pignoufs ! S’exclame Suzanne et sur ce, elle plante là cette chignarde
de Céline. Son instinct de survie l’emporte enfin sur toute émotion. Exit
Arnaud le chaudard, exit Céline le faux jeton, exit Jonathan le goéland, exit
Agathe la petite joueuse. La brise lui chatouille les jambes. Du haut de son
échafaudage un ouvrier la siffle gentiment. Suzanne accepte le compliment d’un
sourire. Décidément, c’est une belle journée qui commence…
« Son téléphone,
vibre. Revibre. Et une troisième fois. Mais Suzanne ne regarde pas le nom qui
s’affiche sur l’écran de son portable dernier cri. Elle préfère sourire,
simplement mais durement. Dans sa tête, seul le mot vengeance résonne, vient
taper contre sa boîte crânienne, à chaque seconde plus fortement, au fur et à
mesure que son plan machiavélique se met en place. Oui, c’est une belle
journée. Car Suzanne sait, que quelque part, elle en sortira « gagnante» . Son
amour pour Jonathan, Arnaud ou encore Céline (et même celui pour les tic-tac)
s’est transformé en haine. Et maintenant, elle sait. Elle sait. Elle va le
faire. Arrivée au coin de la rue des roses, elle aperçoit, a LEUR table, au
café « le petit noir» , Arnaud. Il est là. fidèle au poste. Et c’est par lui
que son plan va commencer à se mettre en place. « Salut Arnaud!»
Et alors
qu’Arnaud, l’objet de tous les désirs, le mâle tant convoité, le Tic-Tac
ultime, se retournait à l’appel de son prénom, celui que Suzanne aimait tant
entre, murmurer, crier sur ou sous l’oreiller, elle réalise non seulement
qu’elle aurait dû refuser le plat du jour ce midi à la cantine, la petite
tomate farcie à l’ail de Garonne, mais encore qu’une jeune et jolie brunette
sort du “Petit noir”, et enlace le cou d’Arnaud, avant de déposer un baiser
suggestif au creux de son oreille. Elle sait qu’Arnaud ne répond plus de rien
quand il a une langue fourrée jusqu’aux portes de son tympan.
La scène qui
s’offrait à Suzanne fut d’une jouissance extrême, puisque la première vengeance
lui fut servie sur un plateau… En effet, le barman qui venait de servir la
table d’à côté, se retourne, et… Voit sa dulcinée, qu’il croyait être sienne
pour la vie, en train de ramoner l’intégralité du système
otorhino-laryngologique du bel Arnaud. Le sang de ce vaillant Umberto ne fit
qu’un tour, il asséna un grand coup de plateau sur la nuque de sa belle
brunette Tatiana. Sous le choc, les dents de Tatiana ont suivi le même chemin
que les tic tac de Suzanne, toutes par terre, sauf une, qui se greffa, tel un
percing sur le “pavillon” gauche ( ben oui, celui du coeur…) d’Arnaud.
D’un geste
rapide, elle dégaina son IPhone 3GS, et en deux clics, discrètement,
photographia à la fois le baiser auriculaire torride, et la riposte au plateau
du barman, qu’elle se garderait au frais, pour le cas où… Un autre clic, et la
première photo fut postée sur twitter, et sur son wall Facebook, et pour être
certaine de ne pas louper l’affaire, en mail à Céline. Arnaud ne peut être à
moi ? Il ne sera en tout cas pas à elle. “je suis ta meilleure amie”, disait le
mail, “tu comprendras que je ne pouvais garder sous silence que ton mec te
trompe, le jour même où il te demande en mariage”. Ah ! Qu’elle était retorse,
pensa t’elle. Et complètement salope, aussi.
Juste à côté de
la table ou Arnaud se massait désormais l’oreille gauche, cherchant à en
extraire la dent, l’homme brun réprima un petit sourire. Bel homme, un peu trop
bien habillé quoique décontracté, il ne laissait pas les femmes indifférentes
et croisa le regard de Suzanne qui venait de commettre son forfait et qui
rougit légèrement. Elle lui plaisait décidément bien cette petite… Dommage… ou
bien ? Car Dimitri n’était pas n’importe qui : membre de la mafia russe, il
avait pour habitude de régler les problèmes des autres à coup de révolver ou
d’accidents fâcheux, avec une nette préférence pour le décrochage de
l’ascenseur, ce qui l’ennuyait bien dans la résidence pavillonnaire où il
sévissait actuellement en situation de pré-opération commandée. On le payait
fort bien pour son job et il vivait plus qu’à l’aise. En tous cas, la mère
d’Arnaud qui voulait garder son fils pour elle toute seule, et uniquement toute
seule, payait très très très bien… Et c’était une femme qui avait le bon goût
d’avoir un compte en banque aux Iles Caïman ! Comme lui…
Et personne ne
pouvait soupçonner combien Mme Mère, la mère d’Arnaud avait un esprit
machiavélique. Dimitri n’était pas seulement payé pour faire un éventuel
“ménage” ! Elle le payait aussi pour espionner Arnaud, travail facile pour
Dimitri, puisque qu’Arnaud ne savait pas résister à la tentation, mais elle
passait également son temps à lui envoyer des “tentations” à son fiston ! Il y
avait les “vraies”, Céline, Suzanne. Puis les fausses comme Tatiana, des
petites minettes payées par Mme Mère pour allumer Arnaud, ce qui n’était pas
bien difficile. Dimitri prenait des photos, montait des dossiers. Mais ça ne
s’arrêtait pas là : Mme Mère comptait bien sur autre chose, son rêve était que
toutes ces femmes qui voulaient lui voler son fils, finissent par s’entretuer
entre elles, bon débarras ! Et elle en sortirait blanche comme neige, gardant
son fiston sous sa coupe. Et qui plus est, elle ferait l’économie du tueur à
gages, le fameux Dimitri, radine quand même, la vioque ! Dimitri était chargé
de surveiller tout ça, et d’intervenir au cas où les demoiselles ne faisaient
pas bien le ménage entre elles. Et il connait la vie Dimitri, il sait bien que
Mme Mère rêve un peu trop, qu’il faudra bien qu’elle en passe par lui et ses
ascenseurs, et qu’elle s’occupe de remplir son compte aux iles Caïmans ! Pauvre
Mme Mère ! Elle ignorait que ce petit jeu allait se retourner contre elle !
Le visage de M.
Jean était fermé, le regard fixe. Il était en colère, froide la colère, calme,
la pire. Fidèle à sa réputation, il allait y avoir du grabuge. Le ministre lui
avait tapé sur les doigts, et ça, il n’aimait pas. Pas moins de trois chefs de
service convoqués, et là-bas, dans un coin, M. Paul, dit l’Ange Gabriel,
accidentologue de profession, responsable des opérations spécial. Son boulot ?
Prouver que le SAMU arrive toujours trop tard ! Et quand M. Paul est convoqué,
certains peuvent préparer leurs testaments. M. Jean se tourna vers la pulpeuse
Angélique et la regarda dans les yeux, non sans avoir d’abord détaillé son
avantageux décolleté. Déformation professionnelle. « Faites les entrées… » La
jolie blonde se leva et d’un joli balancement de hanche alla ouvris la porte.
Tatiana, lèvre tuméfiée, nez explosé, avait perdu beaucoup de sa superbe. Elle
s’avança, suivie de prêt par Arnaud, un pansement sur l’oreille qui lui valut
le surnom de Van Gogh. Dans ce métier tout le monde avait un surnom ! M. jean
regarda son monde et commença : « Ce matin, j’allume mon ordinateur, et voici
ce que je vois… » Il appuya sur une télécommande, et une image apparut sur le
mur. La qualité n’était pas très bonne, certes, mais l’on reconnaissait sans
erreur Arnaud et ce qui fut la belle Tatiana, le coup de plateau fatal, et une
dent qui volait. Pas très long, mais suffisant pour être embarrassant. « Comme
vous pouvez le voir, nous comptons des amis toujours prompts à nous renseigner
sur notre personnel. Cette petite vidéo est un envoi spécial de Monsieur le
premier Ministre ! Messieurs, Madame, je pense que depuis le Rainbow Warrior,
les services secrets français n’ont jamais été aussi ridicules ! M. Arnaud, je
vous envoie enquêter sur un russe mafieux, pour voir si par hasard ce ne serait
un agent ennemi à la cause de la France, et vous vous prenez pour James Bond en
mettant chaque soir une femme différente dans votre lit… » Tatiana regarda
Arnaud d’un air surpris, il esquissa un petit sourire en haussant les épaules
d’un air gêné. La claque lui arriva droit sur ce qui lui restait d’oreille. «
Salaud » murmura-t-elle sèchement . « Calmez-vous, Tatiana, j’en arrive à vous.
Alors là j’avoue que c’est très fort. On vous demandait juste de découvrir qui
était cette nouvelle madame Claude qui commençait à sévir dans la haute
société, et là, le nom que vous me donnez ne cesse de m’interpeller. Et je
viens de comprendre. Il s’agit de votre mère, Arnaud ! Pire, il semblerait que
cette dernière vous fournisse du bétail à votre insu, puisque que je vous
retrouve dans les bras, ou plutôt dans la tête de la charmante Tatiana,
elle-même petite amie de notre mafieux que vous êtes censé surveiller. D’où le
coup de plateau salvateur ! Pour finir, ce cher Dimitri, puisque tel est son
nom est en rapport régulier avec votre mère » Décrire la tête d’Arnaud est
quelque chose d’impossible, malgré sa richesse, la langue française ne possède
pas l’adjectif adéquat ! Une espèce de statue de sel, figé la bouche ouverte… «
Ah oui ! je comprends, cela fait un choc… M. Paul ! Dimitri, nous à faits
cadeau de cette petite vidéo, va donc le remercier » ce faisant, M. Jean passa
son doigt sous son menton. M. Paul acquiesça… « Quant à nous, nous allons nous
intéresser au cas de Madame Arnaud mère, d’une certaine Suzanne qui a pris la
vidéo et d’une Céline dont je voudrais bien savoir qu’elle est son rôle… »
Tout le monde
était en train de ressortir lorsque le téléphone posé sur le bureau du Premier
ministre sonna. « Oui, … bien sûr Monsieur le Président, …, je m’en occupe
immédiatement, mes respects Monsieur le Président. » dit-il avant de
raccrocher. « Attendez ! Il y a du changement. » cria-t-il à ceux qui étaient
en train de passer devant l’huissier qui tenait la porte ouverte. Chacun repris
plus ou moins la place qu’il avait avant d’être renvoyé et curieux de connaître
la raison de ce revirement observait avec attention le ministre qui fouillait
dans ses tiroirs. « Mais où ai-je bien pu mettre cette foutue note ? »
répétait-il sans cesse. « Ah ! La voilà, alors… » et il commença à lire
celle-ci après avoir chaussé ses lunettes qui lui donnait un regard de taupe.
"Certains journalistes
d'investigations commencent à soupçonner l'existence d'une jeune femme dans la
vie du président." Je ne peux vous dire quels sont les liens entre eux, si
ce n'est qu'elle n'est pas sa maîtresse, ni sa fille cachée, mais nous devons
absolument empêcher ça de sortir dans les médias. Elle s'appelle... Suzanne, et
il va falloir lui procurer une protection rapprochée, constante et discrète ;
elle-même ne doit rien soupçonner ! Arnaud ?En retard, sa meilleure amie est en
retard. Comme toujours. Sa meilleure amie ? Suzanne commence à se poser la
question. Pendant des années, Céline, la belle Céline l’a fascinée. Elle était
son modèle, quasiment son icône. Suzanne essayait maladroitement de l’imiter en
tout et en moins bien. Forcément. Céline était inimitable, elle le savait, et
elle en profitait.
A l’image des
deux fourmis qui s’affrontent sous ses yeux pour un tic-tac, Suzanne est
consciente que l’une d’elles doit l’emporter. Et il se pourrait bien que, cette
fois, ce soit elle la gagnante. Écrasant de l’index la fourmi la plus grande,
elle se détend en imaginant le visage de Céline lorsqu’elle lui apprendra
qu’Arnaud la quitte. Pour elle.
Oui. Toutes ses
pensées sont encore tournées vers la nuit dernière, moment magique où il la
couvrait de ses baisers tendres, parcourant tout son corps, parcelle par
parcelle, de sa langue langoureuse lui glissant dans le cou, de sa bouche
charnue, lui mordillant les lèvres. Jamais auparavant, elle n’avait ressenti
une telle sensation avec un homme, elle ne contrôlait plus son corps avec lui,
elle lui appartenait. En repensant à ces moments sensuels et charnels, elle
ressent un large frisson en ricochet sur l’intégralité de la surface de sa
peau. Chaque minute passée à ses côté lui paraissent tellement courtes, mais
l’heure n’était pas à celles des souvenirs, ni des bons moments, elle allait
rentrer dans une ère de chamboulements. Son dernier tic tac rescapé fut
brusquement explosé par sa mâchoire.
Le goût sucré de
son dernier tic tac lui rappela sa folle nuit d’amour. Un frisson de plaisir
parcourut son échine. Une douce torpeur l’envahit. Ses pensées furent
brusquement interrompues par l’incessante vibration qu’elle sentait à
l’intérieur de son jean. Son portable. Un nouveau message venait d’arriver. En
voyant le nom qui apparut, son coeur se mit à battre la chamade. Jonathan,
l’homme avec lequel elle vivait. A lui aussi elle devrait briser le coeur ce
soir. Puis, en pensant à comment annoncer la nouvelle à celui qui venait, le
matin même, de lui livrer la plus belle gerbe de roses thé, un autre message
arriva. Arnaud. Elle appuya sur la touche Lire, puis ces mots apparurent :
annule tout, je te quitte.
Deux ruptures
dans une seule journée. Quitter et être quittée. Elle ressentait de la
culpabilité à l’égard de Jonathan et du chagrin à cause d’Arnaud. Mais elle
éprouvait également un vrai sentiment de libération. Elle pourrait désormais
arrêter de jongler avec les emplois du temps et les mensonges. Elle pourrait
exister autrement que dans le désir des autres. La liberté se paye souvent du
prix de la solitude : elle le savait et était prête à payer. Cash. Elle
envisageait avec volupté des journées d’insouciance et d’égoïsme, des nuits
passées à apprécier le silence et à s’étendre en travers du lit. Se recentrer
sur soi et ne plus se partager. Pour être, plus tard, de nouveau disponible.
Pour qui ? Pour quoi ? Il était délicieux de laisser ces questions en suspens…
Soudain, elle
aperçut la silhouette de Céline, dont le retard dépassait maintenant les vingt
minutes. Je l’avais presque oubliée, pensa Suzanne. Qu’est-ce-que je lui dis
maintenant? Que j’ai passé la nuit la plus merveilleuse avec son mec, mais que
c’était purement sexuel donc no problem? Ou bien que son mec est vraiment pas un
bon coup et que je le lui laisse, plus vache ça! Ou bien la gentille Suzanne va
encore fermer sa gueule devant sa supposée meilleure amie, bougonna Suzanne,
intérieurement, car Céline était déjà là devant elle : « Salut ma belle! » dit
joyeusement Céline…
-”lut”, répondit
Suzanne qui ne cachait pas son mécontentement. Pourtant, Céline n’y prit même
pas attention, elle avait l’air ailleurs. Elle arborait un sourire béat et ses
yeux pétillaient de mille feux. Elle vint à la rencontre de Suzanne et ne
s’excusa pas de son retard. Il est vrai qu’avec elle, c’était une habitude de
ne pas arriver en temps et en heure, séduisante comme elle l’est, personne ne
lui en tenait rigueur, il lui suffisait d’un regard pour effacer toute rancune.
-”Ben t’en fais une tête”, lança Céline. Silence… -”Allez, viens, allons nous
promener”, dit-elle, tout en faisant demi-tour sur ses talons. Par mégarde, en
se retournant, Céline fit tomber une lettre de sa poche. Suzanne qui lui
emboîtait le pas s’abaissa pour la ramasser, et, en un coup d’oeil, elle vit
l’adresse de l’expéditeur : Jonathan. SON Jonathan.
Son sang ne fit
qu’un tour. Elle tira le papier hors de l’enveloppe et lu son contenu. Une
simple phrase, quelques mots griffonnés à la hâte: “Il faut que Suzanne sache
la vérité avant qu’il ne soit trop tard”. Tout se mit à tourner autour de
Suzanne, ses oreilles se mirent à bourdonner, des points noirs dansaient devant
ses yeux et mille scénarios défilaient dans sa tête. Elle couru alors derrière
Céline, l’attrapa pas le bras et l’obligea violemment à se retourner. Elle
brandit la lettre sous ses yeux et lui hurla : -” Tu peux m’expliquer? TU PEUX
M’EXPLIQUER?” Le sourire de Céline s’effaça immédiatement, elle pâlit et se mit
à balbutier. -”C’est… c’est pas facile à… à te dire… Ne m’en veux pas… Je n’ai
pas eu le choix… Je devais le faire… Je devais…” Et elle se mit à sangloter
comme un enfant. Suzanne n’avait jamais vu Céline dans cet état. Perdue, elle
hésita sur la conduite à adopter. Consoler son amie ou la pousser à livrer ce
secret qui semblait si terrible.<
Elle se sentait
tiraillée entre la détresse de son amie, et ses interrogations devant ces mots
“Il faut que Suzanne sache la vérité avant qu’il ne soit trop tard”. Elle ne
voyait pas ce qu’ils pouvaient signifier, elle ne comprenait pas. Céline
était-elle déjà au courant de leur petite aventure, à Arnaud et elle? Etait-ce
un jeu entre eux? Ou alors l’état de Céline n’avait rien à voir avec la nuit
qu’elle, Suzanne, avait passée à la trahir, et y avait-il alors un problème
bien plus grave? Suzanne prit le parti de consoler son amie, en se disant
qu’elle ne parviendrait à en apprendre plus sur cette lettre que d’une Céline
calmée. “Ce n’est sûrement pas si grave, tu sais… Tu peux m’expliquer, je ne te
jugerai pas”, lui dit-elle. Elle n’était pas sûre de ses paroles. Elle ne
savait pas où elle mettait les pieds. En même temps, elle avait elle-même été
une amie plutôt imparfaite, dans la situation, donc elle n’était pas dans la
meilleure position pour porter un jugement. Cependant, les larmes de Céline ne
se calmaient pas, elle était secouée de sanglots, ne parvenait plus à parler.
Suzanne était de plus en plus intriguée. Elle, qui, quelques instants plus tôt
se réjouissait de sa liberté retrouvée, se sentait comme prise au piège, et
elle ne savait même pas expliquer pourquoi. Comme elle ne pouvait rien tirer de
Céline, elle s’éloigna un instant. Elle avait besoin d’une explication. Elle
sortit son téléphone, et appela Jonathan. Il décrocha quasi instantanément.
« ah… j’allais
t’appeler … » lui dit-il d’une voix sombre « on peut se voir ce soir? J’ai un
truc à te dire… ». « Dis-le moi maintenant, j’ai prévu de voir Agathe ce soir,
j’ai eu un mail d’elle tout à l’heure» répondit sèchement Suzanne. « A vrai
dire … Agathe et moi voulions te voir … » « ça veut dire quoi Agathe et moi ? »
demandait Suzanne, avec moins d’assurance. « Nous voulions te voir pour t’annoncer
que nous allons nous marier … nous n’avons pas voulu le faire par téléphone,
mais là je pense que je n’avais pas le choix … je voulais aussi te …» Suzanne
avait déjà raccroché, mais son téléphone était resté collé à son oreille, puis
glissé dans son sac, en même temps qu’une larme. Elle était incapable de
réfléchir, elle sentait un vide autour d’elle. La main de Céline posée sur son
épaule vint la tirer de ce vide, du coup, elle se sentait moins seule, presque
rassurée à l’idée que Céline aurait encore plus mal qu’elle à l’annonce de
cette nouvelle qu’elle ne voulait pas garder pour elle. « Jonathan vient de
m’annoncer qu’il va se marier avec Agathe ». « Oui je sais » répondit Céline en
caressant les cheveux de Suzanne, comme pour la consoler. Comme électrocutée
par la main de Céline, Suzanne fit un bon en arrière. Elle ne comprenait plus
rien, elle avait l’impression que tout basculait. « Oui je sais … je sais » lui
assénait encore une fois Céline, « Mais alors la lettre, la lettre de Jonathan,
qu’est ce que ça veut dire ? », « Nous avons juste eu une aventure, et on ne
voulait pas garder ça par respect pour notre amitié, maintenant qu’il se marie
avec Agathe et qu’Arnaud m’a demandé en mariage ce matin même ».
- Mais quelle
bande de pignoufs ! S’exclame Suzanne et sur ce, elle plante là cette chignarde
de Céline. Son instinct de survie l’emporte enfin sur toute émotion. Exit
Arnaud le chaudard, exit Céline le faux jeton, exit Jonathan le goéland, exit
Agathe la petite joueuse. La brise lui chatouille les jambes. Du haut de son
échafaudage un ouvrier la siffle gentiment. Suzanne accepte le compliment d’un
sourire. Décidément, c’est une belle journée qui commence…
« Son téléphone,
vibre. Revibre. Et une troisième fois. Mais Suzanne ne regarde pas le nom qui
s’affiche sur l’écran de son portable dernier cri. Elle préfère sourire,
simplement mais durement. Dans sa tête, seul le mot vengeance résonne, vient
taper contre sa boîte crânienne, à chaque seconde plus fortement, au fur et à
mesure que son plan machiavélique se met en place. Oui, c’est une belle
journée. Car Suzanne sait, que quelque part, elle en sortira « gagnante» . Son
amour pour Jonathan, Arnaud ou encore Céline (et même celui pour les tic-tac)
s’est transformé en haine. Et maintenant, elle sait. Elle sait. Elle va le
faire. Arrivée au coin de la rue des roses, elle aperçoit, a LEUR table, au
café « le petit noir» , Arnaud. Il est là. fidèle au poste. Et c’est par lui
que son plan va commencer à se mettre en place. « Salut Arnaud!»
Et alors
qu’Arnaud, l’objet de tous les désirs, le mâle tant convoité, le Tic-Tac
ultime, se retournait à l’appel de son prénom, celui que Suzanne aimait tant
entre, murmurer, crier sur ou sous l’oreiller, elle réalise non seulement
qu’elle aurait dû refuser le plat du jour ce midi à la cantine, la petite
tomate farcie à l’ail de Garonne, mais encore qu’une jeune et jolie brunette
sort du “Petit noir”, et enlace le cou d’Arnaud, avant de déposer un baiser
suggestif au creux de son oreille. Elle sait qu’Arnaud ne répond plus de rien
quand il a une langue fourrée jusqu’aux portes de son tympan.
La scène qui
s’offrait à Suzanne fut d’une jouissance extrême, puisque la première vengeance
lui fut servie sur un plateau… En effet, le barman qui venait de servir la
table d’à côté, se retourne, et… Voit sa dulcinée, qu’il croyait être sienne
pour la vie, en train de ramoner l’intégralité du système
otorhino-laryngologique du bel Arnaud. Le sang de ce vaillant Umberto ne fit
qu’un tour, il asséna un grand coup de plateau sur la nuque de sa belle
brunette Tatiana. Sous le choc, les dents de Tatiana ont suivi le même chemin
que les tic tac de Suzanne, toutes par terre, sauf une, qui se greffa, tel un
percing sur le “pavillon” gauche ( ben oui, celui du coeur…) d’Arnaud.
D’un geste
rapide, elle dégaina son IPhone 3GS, et en deux clics, discrètement,
photographia à la fois le baiser auriculaire torride, et la riposte au plateau
du barman, qu’elle se garderait au frais, pour le cas où… Un autre clic, et la
première photo fut postée sur twitter, et sur son wall Facebook, et pour être
certaine de ne pas louper l’affaire, en mail à Céline. Arnaud ne peut être à
moi ? Il ne sera en tout cas pas à elle. “je suis ta meilleure amie”, disait le
mail, “tu comprendras que je ne pouvais garder sous silence que ton mec te
trompe, le jour même où il te demande en mariage”. Ah ! Qu’elle était retorse,
pensa t’elle. Et complètement salope, aussi.
Juste à côté de
la table ou Arnaud se massait désormais l’oreille gauche, cherchant à en
extraire la dent, l’homme brun réprima un petit sourire. Bel homme, un peu trop
bien habillé quoique décontracté, il ne laissait pas les femmes indifférentes
et croisa le regard de Suzanne qui venait de commettre son forfait et qui
rougit légèrement. Elle lui plaisait décidément bien cette petite… Dommage… ou
bien ? Car Dimitri n’était pas n’importe qui : membre de la mafia russe, il
avait pour habitude de régler les problèmes des autres à coup de révolver ou
d’accidents fâcheux, avec une nette préférence pour le décrochage de
l’ascenseur, ce qui l’ennuyait bien dans la résidence pavillonnaire où il
sévissait actuellement en situation de pré-opération commandée. On le payait
fort bien pour son job et il vivait plus qu’à l’aise. En tous cas, la mère
d’Arnaud qui voulait garder son fils pour elle toute seule, et uniquement toute
seule, payait très très très bien… Et c’était une femme qui avait le bon goût
d’avoir un compte en banque aux Iles Caïman ! Comme lui…
Et personne ne
pouvait soupçonner combien Mme Mère, la mère d’Arnaud avait un esprit
machiavélique. Dimitri n’était pas seulement payé pour faire un éventuel
“ménage” ! Elle le payait aussi pour espionner Arnaud, travail facile pour
Dimitri, puisque qu’Arnaud ne savait pas résister à la tentation, mais elle
passait également son temps à lui envoyer des “tentations” à son fiston ! Il y
avait les “vraies”, Céline, Suzanne. Puis les fausses comme Tatiana, des
petites minettes payées par Mme Mère pour allumer Arnaud, ce qui n’était pas
bien difficile. Dimitri prenait des photos, montait des dossiers. Mais ça ne
s’arrêtait pas là : Mme Mère comptait bien sur autre chose, son rêve était que
toutes ces femmes qui voulaient lui voler son fils, finissent par s’entretuer
entre elles, bon débarras ! Et elle en sortirait blanche comme neige, gardant
son fiston sous sa coupe. Et qui plus est, elle ferait l’économie du tueur à
gages, le fameux Dimitri, radine quand même, la vioque ! Dimitri était chargé
de surveiller tout ça, et d’intervenir au cas où les demoiselles ne faisaient pas
bien le ménage entre elles. Et il connait la vie Dimitri, il sait bien que Mme
Mère rêve un peu trop, qu’il faudra bien qu’elle en passe par lui et ses
ascenseurs, et qu’elle s’occupe de remplir son compte aux iles Caïmans ! Pauvre
Mme Mère ! Elle ignorait que ce petit jeu allait se retourner contre elle !
Le visage de M.
Jean était fermé, le regard fixe. Il était en colère, froide la colère, calme,
la pire. Fidèle à sa réputation, il allait y avoir du grabuge. Le ministre lui
avait tapé sur les doigts, et ça, il n’aimait pas. Pas moins de trois chefs de
service convoqués, et là-bas, dans un coin, M. Paul, dit l’Ange Gabriel,
accidentologue de profession, responsable des opérations spécial. Son boulot ?
Prouver que le SAMU arrive toujours trop tard ! Et quand M. Paul est convoqué,
certains peuvent préparer leurs testaments. M. Jean se tourna vers la pulpeuse
Angélique et la regarda dans les yeux, non sans avoir d’abord détaillé son
avantageux décolleté. Déformation professionnelle. « Faites les entrées… » La
jolie blonde se leva et d’un joli balancement de hanche alla ouvris la porte.
Tatiana, lèvre tuméfiée, nez explosé, avait perdu beaucoup de sa superbe. Elle
s’avança, suivie de prêt par Arnaud, un pansement sur l’oreille qui lui valut
le surnom de Van Gogh. Dans ce métier tout le monde avait un surnom ! M. jean
regarda son monde et commença : « Ce matin, j’allume mon ordinateur, et voici
ce que je vois… » Il appuya sur une télécommande, et une image apparut sur le
mur. La qualité n’était pas très bonne, certes, mais l’on reconnaissait sans
erreur Arnaud et ce qui fut la belle Tatiana, le coup de plateau fatal, et une
dent qui volait. Pas très long, mais suffisant pour être embarrassant. « Comme
vous pouvez le voir, nous comptons des amis toujours prompts à nous renseigner
sur notre personnel. Cette petite vidéo est un envoi spécial de Monsieur le
premier Ministre ! Messieurs, Madame, je pense que depuis le Rainbow Warrior,
les services secrets français n’ont jamais été aussi ridicules ! M. Arnaud, je
vous envoie enquêter sur un russe mafieux, pour voir si par hasard ce ne serait
un agent ennemi à la cause de la France, et vous vous prenez pour James Bond en
mettant chaque soir une femme différente dans votre lit… » Tatiana regarda
Arnaud d’un air surpris, il esquissa un petit sourire en haussant les épaules
d’un air gêné. La claque lui arriva droit sur ce qui lui restait d’oreille. «
Salaud » murmura-t-elle sèchement . « Calmez-vous, Tatiana, j’en arrive à vous.
Alors là j’avoue que c’est très fort. On vous demandait juste de découvrir qui
était cette nouvelle madame Claude qui commençait à sévir dans la haute
société, et là, le nom que vous me donnez ne cesse de m’interpeller. Et je
viens de comprendre. Il s’agit de votre mère, Arnaud ! Pire, il semblerait que
cette dernière vous fournisse du bétail à votre insu, puisque que je vous
retrouve dans les bras, ou plutôt dans la tête de la charmante Tatiana,
elle-même petite amie de notre mafieux que vous êtes censé surveiller. D’où le
coup de plateau salvateur ! Pour finir, ce cher Dimitri, puisque tel est son
nom est en rapport régulier avec votre mère » Décrire la tête d’Arnaud est
quelque chose d’impossible, malgré sa richesse, la langue française ne possède
pas l’adjectif adéquat ! Une espèce de statue de sel, figé la bouche ouverte… «
Ah oui ! je comprends, cela fait un choc… M. Paul ! Dimitri, nous à faits
cadeau de cette petite vidéo, va donc le remercier » ce faisant, M. Jean passa
son doigt sous son menton. M. Paul acquiesça… « Quant à nous, nous allons nous
intéresser au cas de Madame Arnaud mère, d’une certaine Suzanne qui a pris la
vidéo et d’une Céline dont je voudrais bien savoir qu’elle est son rôle… »
Tout le monde
était en train de ressortir lorsque le téléphone posé sur le bureau du Premier
ministre sonna. « Oui, … bien sûr Monsieur le Président, …, je m’en occupe
immédiatement, mes respects Monsieur le Président. » dit-il avant de
raccrocher. « Attendez ! Il y a du changement. » cria-t-il à ceux qui étaient
en train de passer devant l’huissier qui tenait la porte ouverte. Chacun repris
plus ou moins la place qu’il avait avant d’être renvoyé et curieux de connaître
la raison de ce revirement observait avec attention le ministre qui fouillait
dans ses tiroirs. « Mais où ai-je bien pu mettre cette foutue note ? »
répétait-il sans cesse. « Ah ! La voilà, alors… » et il commença à lire
celle-ci après avoir chaussé ses lunettes qui lui donnait un regard de taupe.
"Certains journalistes
d'investigations commencent à soupçonner l'existence d'une jeune femme dans la
vie du président." Je ne peux vous dire quels sont les liens entre eux, si
ce n'est qu'elle n'est pas sa maîtresse, ni sa fille cachée, mais nous devons
absolument empêcher ça de sortir dans les médias. Elle s'appelle... Suzanne, et
il va falloir lui procurer une protection rapprochée, constante et discrète ;
elle-même ne doit rien soupçonner ! Arnaud ?
"Tic-Tac,Tic-Tac...
Suzanne déteste choisir.C'est son côté
masculin!
Orange ou menthe, Le fil vert ou le fil
rouge? Céline ou Arnaud? L'amie ou l'amour, être Daphné ou Messaline ? Trop
sage ou trop salope?
Tic-Tac, Tic-Tac fait le temps qui passe.
Le temps!
Cette bombe à retardement, faute de lui
couper le fil rouge ou le fil vert risquait de lui sauter au visage.
Suzanne se pose un instant: elle choisit
un Tic orange. La pointe de sa langue remonte la veine et capte un peu de
piment d'Espelette qu'elle a au préalable fendu en deux. La douceur et la force
basque l'envahissent.
Céline? Amie ou ennemie? Ce vampire psycho
affectif se nourrissait de son admiration béate et rétrospectivement Suzanne se
sentait le simple faire valoir de cette "amie".
Arnaud: La belle revanche. Pas mécontente
de lui piquer son Toy Boy.
Un frisson la secoue tandis qu'elle roule
la friandise rose entre la langue et les dents. Croquera? Croquera pas?
Les papilles éveillées par la saveur
poivrée accordent un sursis à l'ami Tic.
Son amitié tac-au-tac pour Céline, vu
d'ici, ressemblait fort à une dépendance et la liaison avec Arnaud, à une
émancipation.
Puis le temps s'était accéléré: Pas de
décisions à prendre, pas de fil à couper.
Jonathan-le-goëland qui la quitte,
Arnaud-le-queutard qui la trahit, Céline-fadasse qui l'a trahie, les évènements
qui décident à sa place et elle qui observe.
Attentiste.
Masculine.
Voilà madame mére qui s'invite, Agathe,
Tatania, Dimitri, Mr Jean à l'intérieur, le Premier Sinistre et maintenant le
président Berlusconard avec son cortège d'histoire de Q prêt à faire sauter la
république.
Il va falloir couper un fil avant de se
retrouver treize à table pour "La Cène" finale.
Changer la Tac-Tic que. Arnaud et Jonathan
semblent si loin, si petits.
Favorite présidentielle potentielle.
Suzanne, habituée aux seconds rôles, jouie
intérieurement de cette promotion qui la place au premier plan. Sa main glisse
entre ses cuisses.
Grisée par le danger et son pouvoir tout
neuf, la friponne frissonne et bascule.
Tic et Tac donnent la cadence.
Tic-Tac, Tic-tac.....
Au ministère, Arnaud voulait se faire petit,
tout petit... Il n'avait pas entendu M. Jean l'appeler.
-
Arnaud ?! reprit-il. Je vous préviens, c'est votre dernière chance !
- Oui, quoi
donc ? bafouilla ce dernier.
- Vous devez
vous rapprocher de Suzanne. Voyez ce que je veux dire, ça entre dans vos
compétences...
- Excusez-moi,
mais je préférerais rester en dehors de cette affaire... Si ça ne vous dérange
pas...
Sous l'effet de la colère, la veine temporale
de M. Jean grossit, à la limite d'exploser...
- Si ça ne me
dérange pas ?! Vous savez Arnaud, je ne sais pas si vous suivez les
actualités, mais les accidents de parapente sont fréquents en cette saison...
- Mais, euh,
je ne fais pas de parapente ?!
M. Jean sourit. Il s'adressa à M. Paul.
- N'est-ce pas que ça s'apprend vite le
parapente, M. Paul ?
- Très, très vite...
M. Jean se tourna vers Arnaud. Celui-ci
avait changé de couleur. Du tic tac orange, il était passé au blanc.
- J'accepte monsieur, j'y vais de ce pas...
- Oui, allez-y Arnaud, pensez à votre mère.
Je vous préviens d'ailleurs, ne faites pas l'idiot, vous serez constamment sous
surveillance. Dimitri va vous donner un équipement nous permettant de vous
suivre dans tous vos faits et gestes ainsi qu'un microphone. Ne dites donc rien
à votre chère maman.
Une demi-heure plus tard, Arnaud,
s'éloignait du ministère en état de choc, les jambes flageolantes et la peur au
ventre...
De longs couloirs où les pas résonnent : il sait où trouver Suzanne à cette heure.
Revenir vers elle après tous
les quiproquos, les qui couche avec qui, ne lui fait plus peur car l’autorité
a parlé. Il s’est toujours plié sous le regard perçant, le verbe net et le geste tranchant.
Il passe les contrôles de
sécurité, entre dans le sas et en ressort dûment badgé et fouillé,
puis il se dirige d’un pas sûr vers les bureaux de la Présidence. "A cette heure,
elle doit y être", se dit-il. Elle doit nécessairement y être.
Pénétrant dans le bureau de
Suzanne, il jette un rapide coup d’œil : dossiers impeccablement empilés, aucune
touche personnelle, il semble qu’elle prenne son rôle d’éminence grise très à cœur.
Trop à cœur peut-être vus les dires de certains. Ces allusions des Services tombaient d’ailleurs au moment adéquat : hésitant encore à revoir Suzanne
sous le coup de sa propre trahison, cette rumeur l’absolvait de tout remords. Peut-être pouvait-il à nouveau reprendre le contrôle des événements ?
Suzanne absente, Arnaud déambule dans le bureau, soulève un formulaire du bout des
doigts, ouvre et referme un tiroir. S’approchant de la porte située
près de la fenêtre donnant sur le parc arboré où Suzanne aime déambuler pour
son déjeuner, il distingue un bruit sourd, régulier auquel il n’avait pas prêté
attention à son entrée dans la pièce.
Une sorte de. Quelque chose
qui lui rappelle. Des bruits étouffés, réguliers, lourds. Deux corps qui ?
Un sourire
sardonique. Quoi de mieux pour tout effacer, pour tout recommencer, pour tenter
enfin une fois dans sa vie de reprendre le pouvoir ? Arnaud voit déjà la
scène, Suzanne et le Président accouplés, lui vainqueur tenant la péronnelle à sa merci, son propre chef M. Jean sous sa coupe grâce à cette révélation, et même le
Président. Vainqueur sur tous les fronts.
Il ouvre la porte et se trouve face à la scène à laquelle il s’attendait : aucune surprise ne se lit
sur son visage triomphant alors que son regard glisse du sofa richement décoré au
visage déconfit du Président, glisse sur le corps de… l’autorité. Un silence glacial fait place à la fanfare exultante. Son regard se trouble. Sa mère.
La suite ? Chez Ckankonvaou !