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Les tribulations d'une moufette...
Les tribulations d'une moufette...
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12 avril 2008

De l'avenir des moufettes (ou "Brûlot").

********* Avertissement : les propos suivants sont accessibles à un public non adulte. Si, je t'assure. Ils sont le fruit d'une réflexion entamée il y a plus de quatre ans, déjà, et ne concerne que MA propre expérience. Je ne prétends en aucun cas faire dans le misérabilisme : j'ai totalement conscience de situations professionnelles bien plus difficiles et précaires, la comparaison n'étant même pas envisageable. Toutefois, me dire que d'autres sont encore plus malheureux ne m'a jamais mis du baume au coeur.*********

            Il s'agit ici d'évoquer le monstre. Celui qui brime, écrase ceux qui travaillent pour lui et ceux qui lui font confiance, qui se repaît avec indifférence des cerveaux. Finalement, la fonction publique, donc l'Etat, a pour but de briser ceux qui le servent et ceux qu'Il est censé servir. Le Léviathan...

Giger

            ...Oui, j'exagère, sinon ça n'est pas drôle. Quoique je pense plus qu'une bonne moitié de ce qui vient d'être dit...

            To teach or not to teach... Là, la réponse est très claire : j'adore teacher. Enfin, soyons plus précise : j'adore trouver de nouvelles pédagogies, de nouveaux détours et de nouveaux supports pour transmettre des connaissances, et surtout de l'esprit critique et de l'indépendance. Jusqu'à apprendre à l'élève à dire "je ne suis pas d'accord". Et là, c'est le plus drôle : je peux encore plus facilement lui tomber dessus et lui montrer à quel point il a encore à apprendre. Mouahahahaha !!! Je l'ai déjà dit : je suis machiavélique...
            Ma passion est même celle, plus que de transmettre, de construire le savoir : avoir une "séquence" organisée minute après minute pour l'"apprenant" ne m'intéresse pas du tout ; je m'y ennuie comme tu n'imagines même pas. Et même quart d'heure par quart d'heure, c'est trop linéaire et vertical. Moment métaphore : l'enseignement est pour moi une spirale, où chaque anneau est un rebondissement à partir de ce que tu sais, de ce que je comprends, de ce que tu interprètes et de ce que j'analyse. Utopique dans un système éducatif de masse ? C'est sûr qu'en partant comme ça... Idéalisme ? Sans aucun doute, mais que diable, secouons-nous !!!

           La question aurait pu être : EN or not EN ? Mais là encore, la réponse est (presque) toute trouvée : à cause de ce images de m**** de p**** de ch****** de statut de fonctionnaire de m****** (comment cela fait du bien !) !!! Je l'avais dit à mon cher et tendre dès le moment des épreuves du concours : je vais me retrouver pieds et poings liés à un système dont je méprise les présupposés et récuse les compétences, honnis les choix pédagogiques et méthodologiques, dont je conspue les programme, et fuis comme la peste les gens, les lieux et les conversations qui le concernent. Mais il fallait bien manger. Je me retrouve donc dans la réjouissante situation d'être soit 1) ballotée de poste en poste, soit 2) agrippée peureusement au poste si difficilement obtenu pour les trente prochaines années, refaisant piteusement et sempiternellement les mêmes cours et maugréant dans mon coin dans la salle des profs sur la médiocrité du monde qui m'entoure. Tu me diras : je finirai de toute manière comme cela, alors n'accablons pas plus l'EN. J'aurais d'ailleurs envie de détourner une blague communiste à propos de l'Education nationale : sais-tu pourquoi je suis au bord du gouffre ? Non ? Parce que je regarde l'Education nationale, qui est au fond. Oui, je sais, je plagie.
            Très tôt (d'aucuns diront trop tôt : "nooon, essaie encore un peu, et quand tu seras sous Lexomil, avec un gamin et un emprunt à rembourser, tu réenvisageras de démissionner" ; non, Ariba, ça n'est pas toi), la démission a été envisagée très sérieusement ; elle a été repoussée parce que je suis peureuse et sensible aux arguments qui se veulent de bon sens. Enfin, dont le sens commun se veut bon : "la sécurité de l'emploi" (sincèrement : qui a envie de répéter les mêmes absurdités pendant quarante-cinq ans avec une rémunération minable et des perspectives intellectuelles proches du néant ?) et "c'est tellement préférable pour une femme" (ah bon, ça joue sur le mascara ? ou parce qu'il est potentiel qu'un jour j'ai envie de me coller un mouflet dans les pattes ? Mais je ne veux pas que ma carrière soit dictée par mon utérus !). En même temps, j'aurais du être plus lucide : déjà comme élève, j'avais démissionné de l'Education nationale et dès la seconde je séchais un maximum de cours pour pouvoir travailler à mon rythme, à ma manière et cela a très bien fonctionné, merci. Et cela a continué à l'université, puis aujourd'hui en chinois. Déduction : il y a une incompatibilité fondamentale, identitaire, épidermique entre l'EN-les profs-les disciplines scolaires et moi.
            Une première échappatoire avait été envisagée, car ma cervelle est un terreau fertile aux idées : plusieurs entreprises ont ainsi fictivement vu le jour. Mais faute d'argent frais, faute surtout d'un compte d'épargne ou d'une famille solvable (jusqu'à la dernière génération vivante, c'est dire...), et surtout par peur de m'engager dans quelque chose de non viable, de m'emberlificoter les pédales dans l'administration et aussi la peur de porter cela seule sur mes épaules, j'ai abandonné ces idées. D'autant que ce, trois fois béni, statut de fonctionnaire m'interdit de travailler pour ma propre entreprise avant d'avoir sacrifié dix ans à l'enseignement. C'est un comble, je sais. Mais ne t'inquiète pas : c'est la même chose pour tout. Tu veux enseigner à l'étranger ? Tu es jeune, mobile, flexible et de surcroît tu as les compétences ? Tu es prêt à aller au bout du monde, et même à Balikpapan ? Et bien, il faut être titulaire depuis plus de trois ans et avoir enseigné plus de cette durée et ensuite, faire la queue ; tu auras ta désirée affectation à Balikpapan le jour où tu auras trois mioches collés à tes basques, un conjoint tenu par sa carrière en France et encore quinze ans de crédit immobilier à rembourser. Soyons raisonnable : ce n'est de toute manière qu'un miroir aux alouettes vu le nombre de postes proposés. Cessons de parler de l'AEFE ou de la Mission laïque, ça me gonfle.
             Peut-être malgré le salut tout viendra-t-il de l'intérieur ? Attention, c'est une question piège. Le Ministère des Affaires étrangères propose quelques postes dans la coopération (contingentés, à mon avis à cause de la marée humaine d'enseignants cherchant à fuir leur ministère d'origine). Je viens de participer à la nouvelle "transparence", comme qu'y disent, pour deux postes, dont un qui semble être fait pour moi. Je suis même certaine qu'ils ont pris mon CV et l'ont recopié pour faire la fiche de poste. Vu qu'on doit être 235 000 à tenter la chose, une opportunité de cette portion congrue des postes de coopération ne risque pas de m'échoir.  Mais qui ne tente rien n'a rien... Du côté de l'EN même, l'aventure de la reconversion "made in rectorat" a déjà été tentée : elle s'est soldée par ça.

            Autre porte de sortie possible, plus gourmande en temps, en investissement personnel, en travail et en entrisme dans divers réseaux : l'inscription en thèse. J'ai déjà le sujet et le prof, quoiqu'il me faille en trouver un deuxième pour pouvoir dédoubler à la fois le réseau, les opportunités et surtout parce que je suis à cheval sur deux disciplines. Et pour pouvoir mener cela convenablement, il faudrait évidemment que je puisse devenir... ATER ! Tadam !!! La campagne bat son plein dans les universités, les instituts et les IUFM et... comment ça, tu ne comprends rien à ce que je raconte ? Mais c'est que, sacrilège formidable, tu ne maîtrises pas parfaitement le jargon de l'EN !
TER            Comme je suis gentille, je t'explique : ATER signifie Attaché temporaire d'enseignement et de recherche. Concrètement, tu cherches beaucoup, tu enseignes un peu, tu bois énormément de café et, potentiellement, tu dragues des élèves. C'est un fait avéré (pour moi, cher et tendre fera office d'élève modèle chouchouté). Mais ATER désigne aussi l'autorail X 73500 : juste pour te prouver qu'un possible futur ATER sait aussi wikipédiser. Dingue. Quant à l'IUFM, c'est une chose inutile et inommable, un pseudo institut censé formé les professeurs du primaire et du secondaire. Concrètement, de nouveau, il s'agit surtout de te faire découvrir une région entière à coup de trajets interminables en TER (et remboursés 6 mois plus tard) vers des lieux, fort sympathiques au demeurant, mais où tu ne pensais pas pouvoir apprendre quelque chose sur l'enseignement de la déstructuration frontalière dans le monde. Et où finalement, tu as bu des cafés, mangé des petits gâteaux, appris à détester tes futurs collègues mais, non, pas grand-chose sur les frontières... Donc c'est parti : me voici dans les fiches de postes, les codes, les dossiers à remplir une première fois en ligne ET à envoyer avec enveloppe de retour timbrée (la ruine postale me guette) pour chaque université qui chercherait quelqu'un dans mon genre.
           Et donner des cours à la fac a de nets avantages, j'imagine : plus de préparation de cours certes (quoique franchement parfois...), mais moins de copies à corriger et moins d'heures de présence. Toutefois, souvenons-nous que les élèves y sont de plus en plus imbuvables : si, je t'assure, depuis deux ans je vois arriver les petits post-bac en chinois, et c'est du délire à quel point leur comportement est dilettanto-agressif : ça répond au prof en plein cours, ça écrit des sms sans problème, ça peut même répondre au téléphone et ça se plaint de la quantité de travail. Ma directrice de DEA a même du s'arrêter en plein cours d'agrégation pour demander à un jeune homme d'arrêter de bavarder... Ma bonne dame, tout se perd... Finalement, quant au public, je me demande s'il y vraiment du changement : au lieu d'être en face d'élèves consternés par l'obligation d'assister à ton cours jusqu'à 16 ans, tu es en face d'élèves consternants par leur incapacité à débrancher leur MP3.

            Toujours est-il que poussé par l'argent, et non par le vice, je suis également en train de finir la saisie de mes voeux de mutation. De moufette j'opterai bien pour le ragondin... Non. Je rigole. Ces voeux sont vraiment, ontologiquement, des voeux : un peu comme quand tu souffles tes bougies à 12 ans et que tu espères enfin LE baiser sur la bouche du beau mec du collège (le truc qui n'arrivera jamais) ou quand tu deviens Miss Monde et que tu souhaites que la paix règne enfin sur terre (ça n'arrive jamais non plus, la paix et l'élection comme Miss Monde). Et ces voeux, ils vont t'affecter. Souvent très fortement : "vous êtes TZR sur la zone Garges-Sarcelles-Gonesse". Hmmmmm... Tu es donc affecté, très affecté même, du fait d'être affecté dans un coin dont le nom ne te dit rien ; ou alors, quand il te dit quelque chose, c'est que l'as lu dans les pages "Faits divers" du Parisien ou que Jean-Pierre Pernaud en a parlé des milliers de fois avec son air outré.
            La grosse marade vient maintenant, quand tu as bien compris tous les ressorts : si j'obtiens un poste d'ATER, je dois obtenir un détachement de mon rectorat ; or, pour être sûre de l'obtenir sans avoir à batailler pendant des jours et des jours (hein, PH !) et de me le voir refuser, il faut faire un voeu qui implique une affectation au dernier moment (genre le 31 août) intitulé "tout poste de TZR dans le Val-d'Oise". Donc si je n'obtiens pas de poste d'ATER, j'aurais fait un voeu magnifique et qui augurera d'une année... trépidante, joyeuse et bien entourée...

Education_nationale

 

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Commentaires
L
quant à moi, même si je suis fan des blagues soviétiques et est-allemandes, je reprendrais cette phrase de mon film culte : <br /> "regarde le Dragon au fond des yeux et désespère"!<br /> (qui est le Dragon? le néant abyssal des programmes ; les salles des profs à 8h quand la machine à café est en panne ; les tas de copies ineptes?)<br /> allez, plus que 65 copies!
C
@ Ariba : j'espère en fait ne pas remettre les pieds dans un établissement scolaire ! Et désormais, je l'assume, ce qui n'était peut-être pas le cas il y a quelque temps... En tout cas, si j'y retourne, je ferai tout pour passer 90% de mon temps à parler d'autre chose.<br /> Bon courage à toi en tout cas en cette période... studieuse... et repose-toi pendant les vacances : tu l'auras bien mérité !
A
Welcome back!<br /> Tu vas voir, c'est pas si terrible que ça... et même, des fois, c'est pas mal!!On en reparle autour d'un café dès que je suis sortie du tunnel (dans 7 jours, mais peut-être que je vais aller faire un petit tour en Tunisie juste après, genre LastMinute.com, mais sans le all-inclusive, ça va de soi...)<br /> Bises!!!!
C
@ Jelaipa : oh, j'ai hâte de lire cela ! Hihihi, je pense que je vais bien rire, surtout si c'est de la teneur du cours de plongée que tu décrivais...<br /> <br /> @ LaSof : je suis désolée, effectivement, j'écris toujours des tartines et des tartines. Je devrais peut-être essayer de faire cela en plusieurs épisodes ; en tout cas, merci de m'avoir lue et de ton compliment !<br /> <br /> @ El Fenec : ben oui, ce cher Friedrich a toujours raison. Et en plus, il le dit si bien.
E
L'État est le plus froid de tous les monstres froids. <br /> <br /> Friedrich N.
Les tribulations d'une moufette...
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